le voyage nourrit mon expression et ma façon d’être. Il me construit. De mes voyages, J’ai aimé la région subsaharienne malgré L’impossibilité de retourner dans cette zone à cause des confits liés au terrorisme. J’ai aimé me perdre dans ses immensités de Noudhibou à Gao, de Gao à Louxor, de Louxor à Palmyre. J’ai aimé l’hospitalité des tribus nomades et des peuples qui vivent sur cette mer minérale aux frontières d’une civilisation moderne et cynique. La mienne. J’ai détesté et honni le racisme ordinaire et l’insidieux esclavage qui perdurent dans certaines de ses contrées. Le présent est encore imparfait.
Entre l’euphrate et le Tigre, Les pyramides, les dessins néolithiques du Tassili N’Ajjer, les livres sacrés de Chinguetti et de Tombouctou je me suis baigné dans une heureuse lumière ou le temps épousait une lueur d’éternité. Tour de Babel intime et dépassement de soi. Le paradoxe est que les grandes métropoles exercent sur moi le même sentiment de perte et d’étrangetés. J’aime leurs énergies volatiles et mortifères. La beauté qui surgit de l’urbain et de son pourrissement m’effraient et m’aimantent. C’est comme ça. Je trouve dans ce maelström maléfique le terreau de mon inspiration, mes traces, mon miroir, mon existentialisme et ma perte. J’aime dériver et me surprendre dans cette verticalité obsédante et capitale. J’ai rêvé d’un autre monde les yeux clos devant l’architecture des buildings de Hong kong. Vu la déchéance de mes espérances de gosse – le rêve américain tout de rose vêtu – dans le Manhattan des traders. Vu le flashback de ma vie à Rio sous l’effet salutaire de la caïpirinha. Encore et encore. Partir. Toujours partir. Le voyage est un tout. Il est au bout de ma rue, et ma rue est un mystère. Il m’ouvre la porte sur le monde et le monde m’échappe. Il me nourrit de ses chimères. Il est mon épicerie, ma droguerie et mon foutoir d’illusions.
Le quai des songes. Amiens 2013